DROIT DE RÉPONSE AU GÉNÉRAL DE BRIGADE ANTOINE MARTINEZ, EN 2ÈME SECTION DES OFFICIERS GÉNÉRAUX À DISPOSITION DU MINISTÈRE DES ARMÉES, AU SUJET D’UNE LETTRE OUVERTE DIFFUSÉE AU COURS DU MOIS DE FÉVRIER 2022 SUR DIVERS CANAUX, AVANT D’ÊTRE PLACÉE EN TRIBUNE DU SITE INTERNET WWW.PLACE-ARMES.FR.

Lien de la lettre en question :
https://www.place-armes.fr/post/ukraine-russie-un-an-de-conflit?fbclid=IwAR26lRrZhXs69VT2JCXxTbWWeQRWyRiTcA6kBQQUk2yTFpykvCzPXIfXCpo

Contexte autour de l’auteur de la lettre :
Général de brigade à la retraite depuis 2005, Antoine Martinez s’engage en politique en 2015. Cofondateur du parti Volontaires pour la France, l’orientation politique de l’intéressé est considérée comme de droite radicale et extrême-droite en fonction des sujets. Le général gagne une notoriété publique en se posant comme acteur principal de la « Tribune des généraux », une lettre ouverte d’une vingtaine de généraux, d’une centaine d’officiers et de plusieurs milliers de militaires, brisant l’obligation de réserve telle que rappelée en réaction par le chef d’état major des armées, le Général d’Armée Lecointre alors en fonction. Candidat déclaré à l’élection présidentielle 2022, il milite pour un « combat souverainiste, identitaire et culturel », souhaitant le rétablissement d’un État fort « hors des partis politiques ». Il échoue à obtenir les pré-requis pour être entériné candidat officiel par le Conseil Constitutionnel. Il est connu, avec son parti, pour ses positions anti-immigration, anti-islam, mais aussi proche de la mouvance radicale atour de Visegrad en Europe de l’Est, et particulièrement pour sa complaisance vis à vis du chef du gouvernement Hongrois, connu pour son orientation pro-kremlin, le Premier Ministre Viktor Orbán dont il partage les idées ultra-conservatrices. Une scission au sein du parti Volontaires pour la France verra la fondation d’un autre groupe plus radical, l’Action des forces opérationnelles, dont le groupe sera démantelé et arrêté en 2018, accusé de projeter des attentat contre les musulmans.

Au Général Antoine Martinez,

Votre lettre ouverte comporte de nombreuses dissonances marquant votre manque de connaissance et de maîtrise au sujet de la Guerre en Ukraine, de ses enjeux géo-politiques et géo-stratégiques. Pire encore, votre méconnaissance de l’Histoire de France est telle que vous parjurez vos prédécesseurs en agitant l’intérêt supérieur de la Nation, alors là même que l’intégralité de votre lettre est contraire aux principes de notre pays, la France, et de tout ce qui caractérise son identité. Il m’apparaît donc primordial de répondre à son contenu, car l’Honneur l’exige, l’Honneur du peuple Français et de ses valeurs, ainsi que celle de nos armées.

Vous évoquez en introduction de votre lettre la co-belligérance supposée des pays de l’OTAN, en ce qui concerne la livraison d’armes lourdes à l’Ukraine. Vous évoquez la crainte que la Russie puisse considérer nos pays comme des acteurs belliqueux de la guerre en Ukraine. Vous apprendrez que le terme co-belligérance n’existe pas et qu’il s’agit d’un abus provenant du langage politique ; dans les faits le statut d’engagement d’un pays se défini en deux camps – La belligérance et la non-belligérance.

En agressant l’Ukraine, la Russie s’est placée en marge des pays du Monde et en marge du Droit International. Pour preuve, le 23 Février 2023, après une année écoulée de conflit, 141 pays demandaient au cours d’une résolution des Nations-Unies le départ sans conditions des troupes russes de l’intégralité du territoire Ukrainien.

De plus, l’article 51 de la Charte des Nations-Unies autorise les pays qui le désire à intervenir pour protéger l’Ukraine.


« Aucune disposition de la présente Charte ne porte atteinte au droit naturel
de légitime défense, individuelle ou collective, dans le cas où un Membre des
Nations Unies est l’objet d’une agression armée, jusqu’à ce que le Conseil de
sécurité ait pris les mesures nécessaires pour maintenir la paix et la sécurité
internationales. Les mesures prises par des Membres dans l’exercice de ce droit
de légitime défense sont immédiatement portées à la connaissance du Conseil de
sécurité et n’affectent en rien le pouvoir et le devoir qu’a le Conseil, en vertu de
la présente Charte, d’agir à tout moment de la manière qu’il juge nécessaire pour
maintenir ou rétablir la paix et la sécurité internationales.
 »

En conséquence, toute votre exposition à propos d’une co-belligérance est erronée. C’est un mensonge et une manipulation. L’OTAN, en application de l’article 51 de la Charte des Nations-Unies aide militairement l’Ukraine à se défendre face à une agression illégale en vertu du Droit International. L’engagement de pays aidants n’est pas considéré comme une belligérance par les Nations-Unies. Aucune résolution n’a été votée en ce sens pour s’opposer au soutien apporté à l’Ukraine par l’OTAN. La Russie n’est donc pas en droit d’exprimer le moindre désaccord vis à vis de cette assistance.

Ai-je besoin de vous rappeler que l’URSS a œuvré contre la France, dans ses colonies, anciennes colonies et autres territoires, depuis la fin de la Seconde Guerre Mondiale ? Qui est aujourd’hui le mieux placé pour se sentir lésé par les ingérences de l’un ou de l’autre ? La France assurément, tel que le rappelle l’Histoire. Les armes, chars et avions conçus et fabriqués en URSS, ont armé les ennemis de la France pendant des décennies, et elles ont tué des milliers de soldats Français, toutes époques contemporaines confondues. En substance, face à la paralysie du Conseil de Sécurité des Nations-Unies concernant la guerre en Ukraine, l’OTAN assiste le pays à préserver sa sécurité pour des raisons existentielles, en vertu de l’article 51 et avec le soutien de l’extrême majorité de la communauté internationale. Ainsi donc les risques d’une escalade par la Russie, concernant ce soutien, est une analyse caduque. La Russie est agresseur et ne sera pas perçue autrement par le reste du Monde.

Vous continuez votre exposition en attaquant ouvertement la posture de la France, vis à vis de ce soutien à l’Ukraine. Vos années de service et votre rang, ne vous donne pas le droit d’attaquer ainsi la France, sa posture, ni même d’attaquer ses alliés. Le président de la République, Emmanuel Macron, indépendamment de toutes considération relatives à ses orientations politiques et choix de politique intérieur, a décidé légitimement d’engagement la France du côté du droit international et du côté des Nations-Unies en tant que chef des armées qui lui a été accordé par le peuple. Votre rhétorique tombe à l’eau, votre faux pacifisme ne laisse transparaître qu’une chose, votre volonté de désengager la France, ruinant son honneur et sa légitimité dans le monde, sous couvert de votre complaisance à l’égard de la Russie et de son régime. Vous jouez le jeu de l’ennemi en divisant les français, mais plus particulièrement encore, en divisant ses forces armées, en créant et entretenant de dangereuses fractures.

Ne vous en déplaise, à vous et à certains de vos conjurés au sein, ou au dehors, des forces, la France et la Russie n’ont jamais été des alliés. Le Général de Gaulle lui-même, comme l’ont rappelé ses héritiers, ainsi que la fondation De Gaulle récemment, n’a jamais vu à travers la Russie qu’un rapport d’utilité ponctuel, tout en œuvrant tout au long de sa vie pour s’opposer à l’URSS et ses partenaires du Bloc de l’Est. Il ne vous appartient donc pas d’engager la France dans la complaisance avec la Russie qui perpétue les mêmes travers génocidaires depuis un siècle.

Parce que votre posture ouverte est séditieuse, il est primordial de déconstruire vos « points » exposés dans votre lettre, pour le salut de la France, de son peuple, de ses armées et pour rétablir la vérité. Il m’apparaît important de rappeler aussi que certains de ces « points » pourraient voir une action en justice dans le cadre de la « Loi contre la manipulation de l’information », promulguée en 2018.

Dans le même ordre de la lettre ouverte.

  • Les USA ne sont pas et n’ont jamais été engagé dans une posture belliqueuse contre la Russie depuis 1991. L’expansion des « frontières » de l’OTAN est une tournure de phrase issue de la rhétorique du Kremlin, qui ne trouve aucun écho légitime. Les peuples et les États sont libres de disposer d’eux-mêmes. L’OTAN est un symbole de stabilité pour l’intégralité des démocraties du Monde, son attrait et sa persistance dans le temps malgré l’effondrement de l’URSS n’est pas un argument de comportement belliqueux. Les Nations-Unies reconnaissent la liberté de peuples et des États à choisir des partenaires et alliés, sans contrôle ni contrainte.
  • L’exposition d’une supposée stratégie agressive étasunienne à l’encontre de la Russie, par Zbignew Brzezinski , un ancien conseiller à la sécurité nationale du Président Américain Jimmy Carter de 1977 à 1981, ne présage aucunement d’une stratégie nationale. Ce sont des déclarations isolées, d’un auteur qui expose son opinion. Ce point que vous prenez en référence est grossier et non pertinent. La Russie n’est pas en droit de justifier une invasion sur ces seules paroles qui n’engagent que l’auteur.
  • La Révolution de Maïdan, si elle a éventuellement été soutenue par les puissances européens et les états-unis, n’est aucunement une initiative de ces mêmes pays. Il s’agit de l’expression de la volonté d’un peuple ukrainien, se sentant de plus en plus européen, en opposition complète avec les visions impérialistes rétrogrades et autocratiques du voisin Russe. Le président en place, Viktor Ianoukovytch, s’est rétracté sur sa promesse faite au peuple Ukrainien d’engager le pays dans un rapprochement avec l’Union Européenne. Le peuple a alors exercé son droit le plus légitime de refuser la soumission de ses élites à une puissance étrangère aux commandes, la Russie. Il s’agit de la liberté des peuples à disposer d’eux-mêmes, liberté reconnue par les Nations-Unies et la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme de 1948. Viktor Ianoukovytch a lui même provoqué la Révolution de Maïdan et la Guerre Civile en ordonnant l’ordre de tirer sur les manifestants, faisant plusieurs morts.
  • Le soutien et la formation des forces armés ukrainiennes par l’OTAN depuis 2014 n’est pas une déclaration d’intention. Il s’agit d’un positionnement stratégique de clairvoyance. Mis à part plusieurs pays européens complaisants avec la Russie, le Monde dans son intégralité savait que la Russie lancerait une autre invasion.. Cette prévision s’est avérée vrai, le calcul stratégique juste. Ce 16 Mars 2023, Poutine lui même a tenu un discours devant des industriels et entrepreneurs russes, où il a évoqué que la Russie n’était pas prête en 2014 pour une guerre à grande échelle, et que c’est pour cela qu’il a attendu 2022 pour lancer l’invasion. C’est une déclaration d’intention. Point, final.
  • L’accord et le partenariat stratégique et militaire entre Kiev et Washington n’est contraire à aucunes lois internationales. Pour des questions existentielles, Kiev n’avait aucun autre choix que de s’assurer le soutien des puissances alliées de l’OTAN, en totale liberté. La Russie n’a encore une fois aucun droit de regard sur les choix ukrainiens, en vertu du droit international, ne vous en déplaise.
  • La question des accords de Minsk est profondément caduque. La Russie, en envoyant des troupes dans le Donbass dès 2014, en commandant directement les forces pro-russes dans le Donbass de 2014 à 2022, n’a pas la première respecté les accords de Minsk. La question d’une région séditieuse au service d’une puissance étrangère qui bombarde et massacre votre territoire, n’est pas en accord avec les accords de Minsk. Il n’existe aucun chef de pays ou de gouvernement de pays de l’OTAN pour remettre en cause le fait que la Russie ne se contenterait pas de la Crimée, et que dès 2014, une nouvelle invasion se préparait.
  • Les négociations entre Kiev et Moscou, dès le 27 Février 2022, n’ont pas abouties face à la croyance russe d’une victoire possible et la persistance du régime Russe à organiser le massacres des civils ukrainiens par divers moyens. Les preuves sont là et reconnues par le Bureau des Droits de l’Homme des Nations-Unies, et par la CPI qui a enclenché un mandat d’arrêt contre Poutine pour déportation d’enfants. L’Ukraine traverse une guerre dont l’enjeu est sa propre survie, son existence, et il n’est en substance pas possible de négocier avec un État agresseur aux pratiques génocidaires. Les négociations se déroulent après la défaite ou la neutralisation mutuelle des deux parties., comme nous le rappelle l’Histoire.
  • Vous diffusez une fausse information très grave en accusant les États-Unis d’avoir saboté les gazoducs Nord Stream 1 et 2. Vous ne possédez aucune preuve tangible et il n’existe actuellement aucune preuve fixe. La phrase du Président Américain Joe Biden est hors contexte, et ne sous-entend pas une action militaire hostile de sabotage. Les déclarations de Seymour Hersch sont non-pertinentes et non reconnues par les parties impliquées.
  • Les chiffres que vous affichez concernant les pertes humaines sont irréalistes et en totale opposition avec les déclarations officielles des Ministères de la Défense des pays de l’OTAN. En tant que Général à la retraite, vous prenez la décision de diffuser la rhétorique du Kremlin, alors que les services Américains, Britanniques, Français, et Allemands (mais pas que) confirment que les pertes russes sont importantes et autrement plus élevées que les pertes ukrainiennes. Si en une année, une armée aussi puissante et nombreuse que celle de la Russie n’est pas capable de mettre à genou un pays de 44 millions d’habitants, c’est précisément que l’Armée Russe est incapable et subie des pertes importantes. La disproportion entre les pertes ukrainiennes et russes telle que vous l’exposez est incohérente. Vous avez même l’audace de chiffrer des pertes de soldats de l’OTAN ? Devant votre adoration de l’histoire militaire russe et de ses méthodes barbares, vous enragez à l’idée qu’un si petit pays soit capable de résister avec autant de réussite et de gloire. C’est ça la force de la liberté et la volonté de survie d’un peuple. L’OTAN n’a pas officiellement de troupes en Ukraine, excepté à but de reconnaissance pur comme cela a été reconnu.

(Un exemple des pertes russes selon le Ministère de la Défense Britannique au 17 Février 2023. Les déclarations des autres MoD des pays de l’OTAN sont similaires.)

En conclusion complète, votre lettre ouverte est une œuvre propagandiste qui diffuse publiquement la rhétorique du Kremlin, en totale illégalité de la « Loi contre la manipulation de l’information », en plus d’être une rupture nette de votre obligation de réserve dû à votre statut de Général. L’OTAN, l’Union Européenne et la France, sont rangés dans le camp du Droit International, dans le plus strict respect de la Charte des Nations-Unies, peu import les précédents sur d’autres théâtres et à d’autres époques.

Le devoir de la France est d’être dans le camp de ses alliés, mais surtout dans le camp des démocraties et dans le strict cadre du Droit International. Le désengagement de la France est un danger pour la survie de l’Ukraine, un danger pour la survie de l’OTAN, un danger pour la survie de l’Union Européenne, mais plus encore, un danger mortel pour la France elle-même. L’isolationnisme sous couvert de nationalisme est une erreur et une faute bien trop souvent commise dans l’Histoire de France, qui s’est toujours résumée comme coûteuse et dramatique à terme.

Il ne vous appartient pas d’appeler au désengagement français, voir à la sédition contre nos instances gouvernantes en vous plaçant comme un héritier morbide des pires faux pacifistes ou putschistes de notre Histoire. Tout comme il ne vous appartient pas de vous réclamer d’un héritage nationaliste français prêt à abandonner ses alliés et partenaires. La France est une nation honorable qui respecte ses engagements, auprès de ses partenaires et alliés, depuis de nombreuses générations.

En faisant le choix de diffuser la rhétorique de Moscou, vous vous placez non pas en « serviteur de la France » mais en « agent de l’ennemi », peu importe vos états de service et votre rang. L’Histoire de France encore une fois nous rappelle qu’il existait pléthore de généraux défaitistes, pétainistes ou putschistes, de 1939 à 1961. Il vous appartiendra alors de décider pour quel motif vous désirerez entrer dans la postérité.

Comme un grand chef au service de la Patrie, ou comme un déchu au service de l’ennemi mortel de notre Patrie, la France.

La France doit soutenir l’Ukraine et les 2/3 des citoyens Français sont de cet avis, comme les autres peuples européens. Si notre assistance légale et reconnue par le droit international doit mener la France et l’OTAN dans une confrontation conventionnelle avec la Russie, l’Histoire se souviendra que nos pays étaient dans le camp du droit et de l’intérêt général mondial. Un choix autrement plus glorieux que celui d’être reconnu comme étant un inactif, ou pire, un allié de l’ennemi comme la sombre tâche Vichyste qui ternie notre Histoire récente. L’OTAN de par son existence, a comme l’Union Européenne, apporté la paix et la stabilité pour la première fois de notre Histoire Européenne sur plus de 20 siècles. Le désengagement français et l’anti-atlantisme, comme l’euroscepticisme, ne sont pas des positions d’avenir pour la France qui ne peut exister que dans une logique d’alliance et de collaboration avec ses partenaires stratégiques et économiques.

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