A compter du 26 février 2016, l’état d’urgence est prolongé pour une nouvelle période de trois mois, soit jusqu’au 26 mai 2016. La loi qui permet sa prorogation a été promulguée le 19 février. Avant l’expiration de ce délai de trois mois, le gouvernement peut mettre fin à l’état d’urgence par un décret en Conseil des ministres.
L’état d’urgence autorise le préfet ou le ministre de l’Intérieur à limiter ou interdire la circulation dans certains lieux, interdire certaines réunions publiques ou fermer provisoirement certains lieux publics, réquisitionner des personnes ou moyens privés, autoriser des perquisitions administratives, interdire de séjour certaines personnes, prononcer des assignation à résidence, dissoudre certaines associations ou interrompre des sites internet provoquant à la commission d’actes terroristes ou en faisant l’apologie.
Selon les chiffres fournis par le ministère de l’Intérieur, du 14 novembre 2015 au 16 février 2016, l’état d’urgence a permis la saisie de 580 armes, 3 379 perquisitions administratives ont été réalisées, 344 personnes ont été placées en garde à vue et 50 personnes ont été interpellées pour leur implication présumée dans des filières terroristes ou pour apologie du terrorisme. Ces mesures ont parfois donné lieu à des recours devant les tribunaux administratifs.
Dans un récapitulatif publié le 25 février, le Conseil d’État précise que 140 décisions relatives à des mesures prises au titre de l’état d’urgence ont été rendues par les tribunaux administratifs. Le Conseil d’État a lui-même été saisi de 43 requêtes. Sur 106 mesures examinées par les juges des référés, 17 ont été suspendues, 20 ont été annulées par le ministère de l’Intérieur avant que le juge ne statue et 69 ont été confirmées.
A côté du contrôle exercé par le juge administratif, le Parlement, le Défenseur des droits et la Commission nationale consultative des droits de l’Homme (CNCDH) ont entrepris de suivre la mise en œuvre de l’état d’urgence.
La CNCDH a publié au Journal officiel du 26 février 2016 un avis sur le suivi de l’état d’urgence. Elle soulève des dysfonctionnements dans l’application de l’état d’urgence, notamment en ce qui concerne les perquisitions administratives et les assignations à résidence. Elle met également en évidence des pratiques qui constituent un détournement de l’état d’urgence (interdictions de manifester dans le cadre de la COP 21, utilisation de l’état d’urgence pour lutter contre la petite délinquance, etc.). En conclusion, la CNCDH s’interroge sur “la prorogation de l’état d’urgence [qui] revient à faire d’un état d’exception un état permanent. La CNCDH ne peut que s’alarmer de ce qui serait une réelle dégradation de l’État de droit”.
Le Défenseur des droits a tenu une conférence de presse le 26 février pour dresser un bilan des réclamations reçues. Au total, du 26 novembre 2015 au 23 février 2016, le Défenseur a enregistré 73 saisines. Le Défenseur des droits a alerté sur “un régime de police administrative qui limite l’intervention du juge en amont, restreint les libertés et réduit les garanties, pour des périodes reconductibles pouvant s’inscrire dans le long terme”.
De son côté, le Conseil constitutionnel a été saisi de plusieurs questions prioritaires de constitutionnalité (QPC) sur différents points de l’état d’urgence. Dans l’ensemble, la loi du 3 avril 1955 modifiée par la loi du 20 novembre 2015 a été déclarée conforme à la Constitution. Le Conseil a cependant annulé les dispositions qui permettaient, lors d’une perquisition administrative, de copier des données informatiques.
Source : Vie-publique