La commission de défense de l’Assemblée nationale, le 3 février 2016, a rendu un rapport sur l’évolution du rôle de l’OTAN à l’issue d’une mission d’information.
Au lendemain des effroyables attentats qui ont frappé Paris le 13 novembre dernier, nombreux sont ceux qui en ont appelé à l’article 5 du Traité de l’Atlantique Nord, aux termes duquel : « Les parties conviennent qu’une attaque armée contre l’une ou plusieurs d’entre elles survenant en Europe ou en Amérique du Nord sera considérée comme une attaque dirigée contre toutes les parties, et en conséquence elles conviennent que, si une telle attaque se produit, chacune d’elles, dans l’exercice du droit de légitime défense, individuelle ou collective, reconnu par l’article 51 de la Charte des Nations Unies, assistera la partie ou les parties ainsi attaquées en prenant aussitôt, individuellement et d’accord avec les autres parties, telle action qu’elle jugera nécessaire, y compris l’emploi de la force armée, pour rétablir et assurer la sécurité dans la région de l’Atlantique Nord. (…) ». Si, finalement, c’est l’article 42, alinéa 7, du Traité sur l’Union européenne (1) que le président de la République et le ministre de la Défense ont invoqué, l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord (OTAN) a semblé être perçue comme un recours immédiat face à une attaque armée contre l’un de ses membres. Ce réflexe surprend. En effet, l’OTAN demeure méconnue dans notre pays, ses détracteurs sont encore nombreux et elle semblait encore il y a peu en quête d’identité et de légitimité.
Conçue en 1949 pour répondre à la menace soviétique, l’OTAN aurait pu être dissoute en même temps que le Pacte de Varsovie. La fin de la Guerre froide, marquée par l’effondrement de l’Union des républiques socialistes soviétiques (URSS), privait en effet l’Alliance atlantique et son organisation militaire, l’OTAN, de son ennemi historique, et par là même de sa raison d’être. La persistance d’une fragilité européenne, particulièrement liée à la poudrière des Balkans, a un temps éloigné les critiques formulées à l’encontre de l’OTAN, avant que les attentats du 11 septembre 2001 ne la fassent basculer dans une nouvelle ère d’élargissement de ses missions. La crise russo-ukrainienne ouverte depuis l’automne 2013 a recentré l’OTAN sur ses fondamentaux, avec la réapparition d’une menace russe dont l’ombre plane sur les États les plus orientaux de l’Union européenne. Mais malgré cette résurgence d’une opposition « est-ouest », dont la ligne de fracture s’est déplacée, l’OTAN n’est évidemment pas aujourd’hui la même organisation que lors de sa fondation.
Si le rôle de l’OTAN présente certaines constantes, cette alliance a déjà connu de profondes évolutions depuis sa création, sans équivalent par rapport à d’autres organisations internationales (Organisation des Nations unies, Fonds monétaire international, Banque mondiale). La transformation continue de l’Alliance lui a permis de s’adapter, et d’intervenir dans des contextes de crise où sa légitimité était initialement contestée. Son évolution constante est une condition de sa permanence, et c’est d’ailleurs le sens des conclusions du Sommet de Lisbonne (2010), qui « engage l’OTAN à se réformer continuellement ».
Vos rapporteurs sont convaincus de l’utilité de l’OTAN.
La crise russo-ukrainienne, la menace terroriste, incarnée par Daech, la cybercriminalité comme les nombreux conflits du futur, rendent plus que jamais nécessaire l’existence d’une alliance qui a porté la renaissance de l’Europe après la Seconde Guerre mondiale, contribué à mettre un terme à la Guerre froide, fait ses preuves en Bosnie, au Kosovo, en Afghanistan ou en Libye, conformément au mandat que les nations qui la composent ont souhaité lui confier.
Pour autant, de nombreuses questions méritent d’être posées quant à l’évolution future du rôle de l’OTAN, alors même que le Sommet de Varsovie, qui se tiendra les 8 et 9 juillet prochains, sera en partie consacré à « l’adaptation à long terme de l’Alliance ». Parfois perçue comme une agence de sécurité collective, l’OTAN ne peut devenir le bras armé de l’ONU, intervenir dans tous les domaines et sur tous les terrains. De même, après plusieurs élargissements ayant conduit à l’intégration dans l’OTAN d’anciens membres du Pacte de Varsovie – la politique dite de la « porte ouverte » –, l’OTAN doit se prémunir de la tentation de la mondialisation pour demeurer le fer de lance de la défense nord-atlantique et de l’Europe. Par ailleurs, conçue pour répondre à des conflits symétriques, l’OTAN est parfois critiquée pour son inadaptation à des conflits asymétriques.
Le concept stratégique actuel, qui définit la doctrine politico-militaire de l’organisation, a été établi lors du Sommet de Lisbonne. Il précise que « l’Alliance a le devoir et la volonté de continuer à remplir efficacement trois tâches fondamentales essentielles (…) : la défense collective, la gestion de crise, la sécurité coopérative ». C’est donc au regard de ces trois missions qu’il convient d’évaluer le rôle de l’OTAN et l’évolution de celui-ci, et d’analyser si l’Alliance dispose des moyens suffisants pour assurer la sécurité collective dans un monde apolaire. Cette doctrine a été confirmée au Sommet de Newport (2014), qui a aussi été l’occasion pour l’Alliance de concevoir la réponse à apporter à l’agression de l’Ukraine par la Russie.
Mais avant de conduire une analyse de l’évolution de l’OTAN, il convient d’exposer son fonctionnement, et de s’assurer que les préjugés dont elle fait souvent l’objet sont levés. C’est pourquoi la première partie du présent rapport comportera une dimension fortement pédagogique. Il s’agira de permettre au lecteur de comprendre le fonctionnement de l’OTAN aujourd’hui. Vos rapporteurs ne prétendent pas à l’exhaustivité, mais souhaitent délivrer les outils permettant d’appréhender une organisation méconnue, souvent considérée comme une institution « à la botte des États-Unis ».
La France a une relation particulière à l’OTAN. Membre fondateur de l’Alliance, elle a quitté le commandement militaire intégré de l’Organisation en 1966, sur la décision du général de Gaulle. Toujours membre de l’alliance politique, la France a engagé un lent processus de rapprochement de l’organisation militaire au début des années 1990, aboutissant à la réintégration au sein du commandement militaire intégré en 2009, sur la volonté du président Sarkozy. Cette réintégration a été confirmée par le président Hollande, à la suite de la remise, le 14 novembre 2012, du rapport de M. Hubert Védrine sur les conséquences du retour de la France dans le commandement intégré de l’OTAN, sur l’avenir de la relation transatlantique et les perspectives de l’Europe de la défense. Vos rapporteurs partagent les conclusions de ce rapport, qui encouragent au maintien de la France au sein du commandement militaire intégré, et invitent notre pays à assumer ce retour en influant davantage sur l’évolution de l’OTAN. Trois ans après les conclusions du « rapport Védrine », il conviendra de tenter une nouvelle évaluation des conséquences du retour de la France dans l’OTAN. Tel sera l’objet de la deuxième partie du présent rapport.
Enfin, vos rapporteurs ont souhaité adopter une approche prospective, et contribuer aux réflexions sur l’évolution future de l’OTAN. La résurgence d’une menace à l’est, l’ancrage d’un front au sud et au Moyen-Orient en raison de la menace terroriste et l’apparition de nouvelles sources de déstabilisation, imposent de concevoir l’OTAN de demain, tant du point de vue du champ d’intervention de l’Alliance – géographique et opérationnel – que de son fonctionnement. Au-delà de la préparation du Sommet de Varsovie, vos rapporteurs dresseront, en troisième partie, quelques pistes de réflexion pour renforcer la place de l’OTAN et assurer sa légitimité.
Au terme de nombreuses auditions et de plusieurs déplacements, vos rapporteurs ont été confortés dans leur sentiment initial : l’OTAN est plus que jamais nécessaire.
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